Rapport moral 2020
Une action nouvelle en France aux cotés des personnes exilées
Cette année 2020 restera pour nous toutes et tous une année singulière. Au-delà de la crise épidémique mondiale qui a bouleversé notre quotidien et nous a contraints à revoir dans toutes les dimensions de nos vies nos schémas d’action et de pensée, elle a été pour notre association une année de profond bouleversement de notre action et nous a demandé un effort collectif important pour négocier cette inflexion.
Une situation toujours aussi critique en Afghanistan
En 2020, Madera n’a désormais plus aucune activité de terrain en Afghanistan, ni salarié dans ce pays. Nous conservons néanmoins des liens d’amitié, et un intérêt commun pour ces populations afghanes dont l’avenir semble toujours aussi menacé par un conflit interminable, et un désintérêt grandissant des acteurs institutionnels internationaux. A l’heure du départ annoncé des États-Unis pour 2021, après 20 ans de présence et plus de 100 milliards de dollars versés pour appuyer la reconstruction de ce pays, le bilan est sombre, pour ne pas dire accablant. Il faut bien sur continuer à croire en la formidable résilience des Afghans et en la capacité de sursaut que peut porter en elle la société civile afghane, et notamment la jeunesse, mais pour l’instant les chiffres sont têtus et montrent plutôt que celle-ci continue à prendre le chemin de la migration de manière de plus en plus marquée d’année en année. En effet, selon des chiffres de 2019, les Afghans étaient les deuxièmes demandeurs d’asile, derrière les Syriens, avec environ 61 000 requêtes enregistrées au sein de l’Union européenne, et les premiers demandeurs d’asile en France.
Une structuration de notre nouvelle action en France, au centre d’un écosystème d’acteurs associatifs et sociaux
Le premier semestre a été fortement impacté par l’épidémie de Covid et les confinements qui nous ont été imposés. Comme pour tous, ces contraintes ont bien sur fortement limité notre capacité de déplacement et de rencontres de bénéficiaires et partenaires potentiels et retardé le lancement d’activités de terrain.
Préoccupés néanmoins par cette question majeure des personnes exilées sur notre territoire, qui a orienté la réflexion associative menée durant 2019, Madera a progressivement structuré, au cours du second semestre de cette année, une action en France dédiée à un accompagnement aux personnes exilées, notamment des personnes bénéficiaires de la protection internationale (BPI), parmi lesquels figurent en premier lieu de nombreux Afghans.
Le projet Ali Jan, nommé ainsi en mémoire d’Alain De Bures que beaucoup d’entre nous ont connu et côtoyé, a ainsi pu démarrer officiellement en septembre 2020, à l’issue de notre précédente Assemblée Générale, et accueillir son premier bénéficiaire de longue durée en Essonne. Concrètement, nous apportons à ce jeune réfugié afghan d’une vingtaine d’années et anglophone à son arrivée en France, un appui en termes de suivi administratif et juridique, de logement, d’accès à l’emploi, d’intégration à la vie locale en facilitant la coordination du travail de plusieurs acteurs associatifs. Ainsi l’association AUVM effectue un suivi administratif et juridique de son insertion, Réfugiés Bienvenue assure son logement et son insertion au quotidien au sein d’une famille d’accueil, les potagers du Télégraphe lui procurent un emploi au sein de leur chantier d’insertion maraichage en culture naturelle, Essonne Mobilités facilite ses déplacements depuis son lieu de vie jusqu’à son travail et Madera, après avoir été le catalyseur de toute cette dynamique de prise en charge, s’assure de la fluidité des échanges entre tous ces acteurs bénévoles ou professionnels et facilite la cohésion d’ensemble.
Notre travail est bien sûr plus large que cet exemple. Il s’inscrit dans tous les cas dans une action concertée avec d’autres acteurs afin de renforcer le travail existant et de ne pas être « hors sol » nous-mêmes. Il s’agit de la tenue d’ateliers pédagogiques qui comprennent des actions de sensibilisation à l’interculturalité et à la vie en milieu rural réalisées notamment avec les associations Aurore, Batik International, YES Akademia, Fermes d’Avenir ou Terre et Humanisme pour en citer quelques-unes, de quelques accompagnements individuels tels que celui illustré précédemment, de la participation en des évènements inter associatifs tels que le Festival des Solidarités ou la journée internationale des migrants en décembre 2020 par exemple pour nous faire connaitre ou témoigner de la situation des personnes exilées.
Nous pouvons aussi nous féliciter du dynamisme associatif que soulève peu à peu notre projet. Madera accueille régulièrement des bénévoles désireux de soutenir nos activités et qui participent aux actions de terrain engagées durant cette année ; nos réunions attirent des sympathisants anciens intéressés de nouveau à connaitre notre action et y participer, et enfin de nouveaux réseaux se créent et de nouveaux liens se tissent également grâce à cet élan collectif soutenu très vigoureusement par notre coordinatrice générale et son équipe.
Nos challenges pour 2021 : la pérennisation de notre action
Les challenges pour 2021 restent évidemment nombreux. En premier lieu, notre équipe salariée s’appuie et collabore déjà avec nombre de membres et amis de Madera, et il nous faut continuer à mieux structurer et valoriser cet élan bénévole retrouvé. En second lieu, nous devons assurer la pérennité du projet Ali Jan. La recherche de soutiens financiers que cela impose est déjà entamée. Plusieurs demandes de financements ont été soumises, nous avons essuyé quelques refus, mais nous sommes confiants dans la possibilité d’obtenir des réponses positives à court terme et pouvoir continuer cette nouvelle aventure collective qui s’inscrit modestement dans le travail commencé par Madera il y a maintenant plus de 30 ans.
Paris, juin 2021
Christian Blanchard
Président
MADERA