Le 30 aout 2021, le monde entier a de nouveau les yeux rivés sur l’Afghanistan, et plus particulièrement sur son aéroport depuis lequel s’achève le retrait des forces américaines, qui clôture ainsi un nouveau chapitre sanglant de 20 années de chaos. En effet, après deux décennies de combats et une offensive éclair de quelques mois qui a, semble-t-il, surpris les meilleurs analystes et pris de court nombre de chancelleries occidentales, les Taliban reprennent à nouveau le contrôle quasi général de l’Afghanistan et s’imposent sur la scène internationale comme les nouveaux maitres du pays.
Les conséquences en sont dramatiques, à court et moyen terme. Le pays est certes délivré des horreurs de la guerre, mais la population afghane, et notamment la jeunesse, est désemparée, soumise à nouveau à l’application d’une charia rigoriste que les Taliban revendiquent vouloir rétablir, même s’ils annoncent quelques adaptations possibles, dont on peine d’ailleurs à voir comment elles se matérialisent réellement depuis. La défiance des états occidentaux au regard de la volonté des Taliban à être respectueux des droits humains, et plus particulièrement des droits des femmes, se traduit très rapidement par l’arrêt brutal de l’appui au développement social et économique du pays. L’Afghanistan plonge de nouveau dans une crise de grande ampleur alors que seule l’aide humanitaire perdure, et a repris depuis, afin de lutter contre le spectre de la famine.
Les populations sont probablement soulagées de retrouver une certaine forme de paix mais elles se retrouvent aussi propulsées dans une vulnérabilité extrême, et un manque de perspectives quant à leurs destinées individuelles et collectives. Qu’ils ou qu’elles soient issus des milieux ruraux ou urbains, les jeunes et plus particulièrement les jeunes femmes, qui ont eu accès pendant un temps à une ouverture plus grande sur le monde, que ce soit par le développement de l’éducation ou celui des médias par exemple, paient le prix fort du retour à la charia que veulent appliquer les Taliban. Désespérés, menacés ou inquiets, beaucoup cherchent à quitter le pays et se pressent de nouveau en Europe.
Près de 2,6 millions d’Afghans étaient réfugiés dans le monde en 2020, dont 41 000 en France, pays dans lequel ils représentent la première communauté. Dans les mois ayant suivi l’arrivée au pouvoir des Taliban, les médias faisaient état de 2 600 Afghans ayant pu immigrer vers la France et il est hautement probable que ce phénomène perdure dans les années à venir.
Concernant le soutien à d’anciens salariés afghans, Madera n‘a pas ménagé ses efforts, comme l’ensemble des ONG françaises présentes sur place, pour faciliter la venue de collaborateurs et collaboratrices qui se trouvaient menacés du fait de leur appartenance passée à notre ONG. La mobilisation a été forte, mais les résultats très minimes. A de très rares exceptions près, nous n’avons pu hélas apporter qu’un appui très faible. Nous restons malgré tout attentifs à l’évolution de la situation et restons mobilisés.
En France, l’action de Madera a continué sa structuration et son implantation au centre d’un écosystème d’acteurs associatifs et sociaux. Le projet Ali Jan s’articule ainsi autour de 3 axes, tous menés en partenariat avec une ou plusieurs associations.
Un premier axe de sensibilisation, destiné à établir les premiers contacts avec de nouveaux immigrants afghans ou d’autres nationalités, et leur faire prendre conscience de ce qu’est la vie en province en France. Celui-ci est complété par l’organisation de séjours d’immersion solidaire, qui permettent la rencontre en milieu rural entre des habitants de ces territoires et des migrants désireux de connaitre cet environnement et susceptibles de s’y installer.
Un second axe d’accompagnement qui matérialise le suivi individualisé réalisé par Madera autour de chaque personne prise en charge par le dispositif créé : il s’agit de tisser autour de chaque bénéficiaire du projet un réseau d’appui lui permettant d’accéder dans le même moment et en un même lieu à un emploi, un logement, une possibilité de mobilité pour se déplacer de son lieu de vie à son lieu de travail, un apprentissage linguistique s’il le faut ainsi qu’un soutien aux démarches administratives et juridiques dont il peut également avoir besoin.
Un dernier axe de dynamique inter associative qui consiste à la fois à entretenir et développer des liens entre les migrants intégrés au dispositif Ali Jan ou en ayant bénéficié et les équipes de Madera en organisant des rencontres et sorties sportives ou culturelles (ce qui a donné lieu à la création du club Ali Jan), mais aussi en continuant à créer du lien avec d’autres associations à l’occasion d’évènements particuliers tels que le festival des solidarités par exemple.
Ce travail est possible grâce à une très forte implication de l’équipe de permanents de Madera, constituée à la fois de salariés, jeunes en service civique, stagiaires, ainsi que de bénévoles très actifs, qui s’est étoffée cette année 2021.
Nos enjeux pour l’année 2022 et au-delà sont multiples. Tout d’abord, poursuivre notre travail de coordination et de structuration de notre action afin d’affiner celui-ci et d’être plus efficient dans notre accompagnement. En second, continuer à chercher la meilleure imbrication possible entre permanents salariés et bénévoles afin que chacun apporte sa compétence et sa bonne volonté au mieux de ses possibilités. Enfin, parvenir à un équilibre financier, garant de la pérennisation de notre action à moyen terme.
Le travail est considérable, mais motivant, et je souhaite adresser un grand merci à toutes et tous, pour votre engagement et votre grande disponibilité pour ce projet commun qui nous anime.
Christian Blanchard
Président MADERA